Itinérance en raquettes : des glaciers aux fjords Norvègien

Au matin, le train entre doucement dans Oslo. Pause furtive dans la capitale norvégienne, avant d’embarquer sur l’un des plus beaux itinéraires ferroviaires d’Europe : la ligne de Bergen. Peu à peu, les paysages changent, les vallées se creusent, la neige s’épaissit. À 1 222 m d’altitude, le train s’arrête à Finse, petit hameau isolé au cœur du Hardangervidda.

Lorsque l’on descend, le silence est saisissant. Lumière crue, air cristallin, montagnes enneigées à perte de vue. On s’installe dans un refuge chaleureux, notre camp de base pour deux nuits. Le soir, entre briefing, cartes, partage d’astuces et premières rigolades, on commence à sentir la magie de l’expédition s’installer.

Aujourd’hui, on reste à Finse pour prendre nos marques. C’est le temps de tester le matériel, d’ajuster les pulkas, de répartir les vivres. On s’entraîne à évoluer dans la neige, autour du lac gelé, en observant les abords du glacier Hardangerjøkulen, immense masse glacée qui veille sur nous.

On affine l’itinéraire, on parle sécurité, météo, organisation. C’est aussi l’occasion de faire connaissance avec l’environnement : froid sec, paysages monochromes, lumières changeantes… On entre en immersion.

C’est le grand départ. Raquettes aux pieds, pulkas en remorque, nous quittons Finse pour l’itinérance. Devant nous, le Hardangerjøkulen s’impose : glacier scintillant aux lignes douces, gardien du plateau. On progresse à notre rythme, environ 15 km et 400 m de D+ par jour, apprenant à collaborer, à trouver le souffle juste dans ce décor figé.

Chaque soir, un refuge nous attend, perdu dans la blancheur. Bois qui crépite, repas chaud, silences partagés. Le 31 décembre, une ambiance unique s’installe : soirée du Nouvel An au cœur du Hardangervidda, loin de tout, entourés de compagnons de route devenus amis. Peut-être même une aurore boréale pour célébrer l’arrivée de 2026...

Bonne année 2026 ! Le raid se poursuit sur les hauteurs du fjord. Le terrain devient plus vallonné, la vue plus vertigineuse : crêtes ouvertes, combes abritées, falaises plongeantes vers les eaux sombres du Hardangerfjord. À chaque pause, le regard s’accroche à l’infini.

L'itinéraire reste accessible (environ 13 km / 300 m D+), mais l’ambiance, elle, devient encore plus sauvage. Les refuges sont plus rustiques, mais offrent des panoramas saisissants. On se sent seuls au monde, dans une Norvège brute et belle.

Deux jours d’immersion totale. Le Hardangervidda se déploie dans toute sa splendeur : vastes étendues blanches, crêtes balayées par le vent, vallons secrets… L’effort devient méditatif. La progression se fait à 12 km / 200 m D+ par jour environ, dans une atmosphère polaire et minérale.

Le soir, les refuges sont encore plus isolés, nichés dans la blancheur. Dîners chauds, rituels simples, feu de bois et ciel étoilé. Ici, le temps s’étire, et chaque geste devient essentiel. Le sentiment d’expédition prend tout son sens.

Dernier jour d’effort, et pas des moindres. Au bout du raid, une récompense mythique : Trolltunga, promontoire rocheux suspendu à 700 m au-dessus du lac Ringedalsvatnet. La montée est progressive, l’émotion monte avec l’altitude. Au sommet, silence. Vue à couper le souffle.

Après cette apothéose, descente vers Odda, petite ville coincée entre fjord et montagnes. On s’installe dans une auberge. La première douche, le premier lit moelleux, le premier vrai confort. Un bon repas et un toast à l’aventure viennent conclure cette journée hors norme.

Une journée tampon pour se reposer ou faire face à un éventuel contretemps météo. L’occasion de flâner à Odda, de déambuler sur les quais, de visiter un café ou de simplement prendre le temps. Une respiration bienvenue après tant d’effort. Et peut-être, qui sait, un dernier regard sur les hauteurs enneigées que nous avons traversées.

On quitte les montagnes, les fjords et le silence pour entamer le voyage retour. Un bus nous ramène à Oslo, puis un train de nuit file vers Hambourg. Les corps sont fatigués, les sacs plus légers, mais les esprits pleins d’images et de souvenirs. Le roulis du train nous berce à nouveau – boucle bouclée.

Dernière étape ferroviaire vers Paris. L’Europe défile à nouveau derrière les vitres, comme un film au ralenti. Arrivée à la Gare de l’Est dans l’après-midi. Les visages sont fatigués, mais rayonnants. Le froid du Nord reste dans la peau, mais surtout, l’aventure résonne encore fort à l’intérieur.