À Nevers, nous avons immédiatement pris conscience du danger principal de notre aventure : le passage des ponts. Derrière le pont de Nevers, il y a une jeté métallique qui se repère difficilement lorsque l’on vient de l’autre côté du fleuve. Nous avons décidé de démarrer derrière ce pont.
Les premières heures étaient particulièrement agréables car la Loire traverse des zones sauvages et silencieuses. On s’est immédiatement senti dépaysé ! Contrairement à la marche, le vélo, le roller ou tout autre moyen de déplacement terrestre qui demande plusieurs jours avant de réussir à se déconnecter du quotidien, sur l’eau on se sent coupé du monde en quelques minutes. Quitter notre élément naturel, la terre, pour avancer sur l’eau créé une scission immédiate avec la routine.
Peut-être à cause du niveau d’eau plus élevé que la normale saisonnière, nous n’avons vu aucune embarcation le premier jour. Le fleuve était tranquille. Après 30 kilomètres, le plus plaisant fut l’installation du camp sur un îlot ! Avec ses nombreux îlots et banc de sable, la Loire permet de naviguer plusieurs jours dans le silence et de dormir chaque soir sur des plages différentes. Pour ceux qui rêvent de se couper du monde sur une île déserte, le plus grand fleuve de France est peut-être la solution.
Le lendemain, nous avons aperçu nos premiers déchets. Avec Plastic Origins nous avons fait une formation en ligne afin de découvrir leur projet et de comprendre leur application, mais c’était notre première utilisation sur le terrain. Plutôt simple, il suffit de choisir la rive (droite ou gauche), le mode de déplacement (kayak ou marche le long de la berge) et le mode de saisi (manuel ou vidéo, auquel cas l’intelligence artificielle identifie le déchet sur le clip vidéo). Ensuite, on indique le type et le nombre de déchets observés et on envoie les données ! L’objectif du projet Plastic Origins est de recenser la pollution des cours d’eau pour alerter les pouvoirs public sur la provenance de la pollution maritime et ainsi agir à la source. Leur projet s’arrête cependant au recensement et nous nous appliquions à ramasser tous les déchets observés. Sur le kayak un espace était prévu pour les sacs poubelles.
On a continué notre chemin vers Orléans avec ce rythme journalier propre à une aventure en kayak : on pagaie, on décharge nos affaires sur un îlot, on dort, on repart !
La nuit, nous étions bercés par le chant des grenouilles et le déplacement des oiseaux et des castors autour de la tente. S’il n’y avait pas eu les moustiques, nous aurions touché la perfection !
En chemin, quelques rencontres et découvertes ont animés nos journées. On s’est retrouvé maître d’une cabane magique pendant quelques heures, co-équipiers d’une embarcation en bois traditionnel, explorateurs d’un bras de fleuve à la végétation luxuriante après s’être trompé de chemin.
Près du barrage qui fait face à la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, Justine et moi avons tourné dans le mauvais bras et nous sommes embarqués au cœur d’une végétation que nous avons traversé non sans mal. Certains passages contenaient si peu d’eau que nous avons dû marcher et remettre le kayak à flot quelques mètres plus loin. Nous devons notre réussite seulement au niveau d’eau plus élevé que la normale saisonnière et sans cela nous aurions eu du mal à sortir de cet endroit. Une fois sorti de là, on a aperçu le bras que nous aurions dû emprunter en nous disant : “C’était tellement drôle ! On a bien fait de se tromper.”
Arrivés à Orléans, nous avons rendu visite à une amie quelques jours avant de retourner à l’eau. Après Orléans, la Loire est de plus en plus habitée et les tronçons sauvages se font de plus en plus rares. Le soir, depuis les îlots, il n’est pas rare d’entendre le bruit des gens sur les berges. Sentiment étrange que de dormir coupé de tout, au milieu de l’eau, et en même temps si près des autres. Mais les soirées au bord de l’eau n’ont pas perdu leur charme pour autant.
Après neuf jours sur l’eau et un peu plus de 300 kilomètres nous arrivons à Tours. Retrouver sa bipédie n’est pas déplaisant car les journées sur le kayak sont merveilleuses et pleines de poésie, mais énergivores. Nous restons convaincus que le kayak est un mode de déplacement qui a le pouvoir de nous sortir de notre routine en un temps record. Alors n’attendez pas, jetez-vous à l’eau !