Le lendemain, après une bonne nuit et un café, nous voilà repartis ! Objectif : la Muralla China de Huesca.
Avant ça, il y a encore quelques kilomètres de navigation dans les gorges et la traversée de l’Embalse de Canelles (un grand lac de barrage). On prend la petite embouchure qui se dessine depuis notre bivouac et c’est parti. Un vent de face enlève les dernières traces de sommeil et nous aide à nous mettre dans le bain. Avec beaucoup d’espoir, on se dit que le vent sera dans le bon sens au retour !
Un peu plus loin, le calme revient et l’Embalse de Canelles s’ouvre devant nous, on peut même apercevoir le barrage au loin. Nous avons largement sous-estimé la taille du lac et la journée s’annonce longue pour atteindre la Muralla qui est à l’extrême opposé !
Il est 12h. On saute dans l’eau pour se rafraîchir, profiter de l’eau turquoise et faire quelques photos. On ne perd pas de vue notre objectif et malgré la chaleur, on continue notre progression, coup de pagaie après coup de pagaie.
La Muraille apparaît enfin ! Soulagement ! Le panorama en vaut le voyage. On dirait l’épine dorsale de Godzilla, à moitié enfouie, à la fois sous terre et sous l’eau. C’est intimidant.
Arrivé juste en dessous, on découvre qu’on peut faire le tour, passer entre certaines dents. Derrière il y a de petites criques ombragées, idéales pour s’abriter du soleil.
C’est l’heure d’une réunion au sommet pour décider de la suite de notre expédition. Même avec tout l’optimisme qu’on a mis dans la recherche d’un nouvel emplacement de bivouac à l’aller, on est forcé de constater que notre plage d’hier était de très loin le meilleur coin. Seul problème si on veut y retourner, il faut remonter les 15 kilomètres qu’on vient de descendre. On évalue le bénéfice effort-réconfort, la décision est votée à l’unanimité, on veut notre matelas de sable pour la nuit, quitte à ramer encore un peu.
À l’endroit où on l’avait quitté, le vent est toujours là, et oh surprise, il a changé de sens et nous offre sa résistance sur les 5 derniers kilomètres, de quoi finir de nous achever. « Notre » plage apparaît enfin, il était temps.
Cette journée aoûtienne caniculaire a mis en lumière un nouveau problème : notre consommation en eau est beaucoup plus élevée que prévu et on craint d’être limite pour la cuisine du soir et l’hydratation du lendemain. On décide d’utiliser l’eau du lac, à faire bouillir pour la cuisine et le café, et de garder les 2 bouteilles qu’il nous reste pour le dernier jour.
Arrivés à 16h, on en profite pour explorer les environs de notre lieu de camp, bouquiner et pêcher le repas du soir. Un lancer plus tard, on active le mode Top-Chef : Black-Bass du Congost de Monte Rebei snacké et son riz-poivrons rouges à l’eau du lac. Accompagné d’un Rioja qui était resté bien planqué au fond d’un bidon, on savoure l’instant.
Un ciel orageux nous accompagne, on sent que la nuit va être agitée…
On plie nos affaires sous le canoë, qu’on retourne en prévision de la pluie. On va se coucher, sur une seule oreille et d’un œil. Quelques minutes plus tard, le tonnerre et les éclairs nous réveillent. Le vent monte crescendo et des bourrasques de vent continues nous alarment : on finit par ouvrir la tente pour vérifier le matériel. Le canoë a disparu.
Affolement, précipitation. Il faut savoir que nous sommes à 15 km par voie d’eau de la voiture et de toute habitation, soit approximativement 25 km par voie terrestre, mais que les berges sont abruptes, impraticables et qu’il n’y pas de chemin. Sans notre canoë, ça s’annonce un peu comme un remake de Robinson Crusoé à la sauce aragonaise.
On court partout pour ramasser les bidons, la vaisselle, tout ce qui a été emporté. Il fait noir, on y voit par intermitance grâce aux éclairs. Le vent souffle en direction du lac, éloignant de nous nos affaires, c’est donc un contre la montre pour sauver tout ce qu’on peut. Un bidon flotte au bord de l’eau, on s’approche pour le ramasser et on découvre là notre ITIWIT x100, sur l’eau, sagement rangé à l’abri derrière un rocher. Rappel pour nous-mêmes : brûler un cierge au retour.
On fait le bilan, calmement. Il ne manque quasiment rien.
Avec l’orage, le ciel est magnifique, noir et illuminé d’éclairs en continu. C’est un orage sec, sans pluie. On resterait bien pour le contempler, mais une rafale de vent nous rappelle vite à l’ordre. Tout est entassé derrière la tente, un peu à l’abri. On attache le canoë retourné, qu’on leste même avec plusieurs grosses pierres : une fois, pas deux !
Le bonheur d’être seuls au monde ressenti dans la journée prend un tout autre sens une fois sous l’orage. On regrette un instant de ne pas avoir choisi la grosse plage touristique de la location de canoë avec son accès facile à la route pour dormir…